Solitaire, j’aimais passer le plus de temps possible dans ma chambre à vivre librement dans mes mondes parallèles. Au grand dam de ma pauvre mère qui se désolait de mon « désordre », je récupérais tout ce qui se jetait : vieux rideaux, prospectus, objets cassés, ficelle… pour accessoiriser mon imaginaire. Le moindre bout de bois devenait une relique, les pages blanches se transformaient en parchemins couverts d’écritures étranges et magiques…
Le gigantesque tas de sable du jardin – merci mon cher papa d’avoir mis tant de temps à faire ton béton – abritait le temple où mon activité de grande prêtresse s’achevait invariablement en cérémonie sacrificielle à coup de branche de noisetier.
C’était juste avant de découvrir la lecture. La bibliothèque de mes parents m’était librement accessible et les centaines d’imaginaires qu’elle abritait devinrent les miens.
ADOLESCENCE
M’ayant découvert un petit don pour le dessin, je passais mes vacances à reproduire les gravures de la vieille encyclopédie de mes grands-parents, je m’intéressais également à la vie de mes ancêtres… A cette période aussi, encouragée par mes grands-mères, je pris goût à la tapisserie, au crochet.
J’aurai aimée être archéologue ou participer à la restauration de bâtiments historiques ; malheureusement je n’avais aucune appétence pour le milieu particulièrement hostile qu’était l’école.
Au collège, je cachais les livres sur mes genoux et nous vivions loin du monde, tout au fond de la classe.
Au hasard d’une rencontre, j’ai été amenée à passer le concours d’entrée d’une école d’art parisienne. Parmi le petit nombre des reçus, j’ai fini par trouver ma place dans cet univers étrange et particulièrement déjanté.
PREMIERE VIE
Munie de mon diplôme de DESSINATEUR MAQUETTISTE EN ARTS GRAPHIQUES, j’ai finalement travaillé presque 17 ans dans ce milieu.
Que ce soit dans des micro-structures ou dans d’immenses agences publicitaires, mon savoir-faire acquis à force de pugnacité m’a permis de naviguer dans cette profession difficile. Salariée d’une agence de marketing – à l’époque située en face de la maison CHANEL – j’ai achevé ma carrière en qualité de Directrice Artistique. Placée en tant que prestataire extérieure chez le plus gros client, j’étais la seule graphiste au sein d’un bâtiment de plus de 600 personnes. Mon étrangeté passait pour être «artistique», j’ai vraiment aimé cette longue période de grande autonomie.
CHANGEMENT DE VIE
Incapable de protéger mes temps de repos, trop investie dans la qualité de mon travail et dans un état de stress continuel, je décide de suivre le conseil de mon frère de cœur et je passe avec brio le concours pour rentrer dans l’administration.
Mon nouveau travail m’économise presque 3 heures de temps de trajet. La diminution de mes responsabilités me permet d’avoir une vie personnelle plus reposante.
Je m’épanouis entourée d’amis et collègues merveilleux à qui j’adresse ici toutes mes tendres pensées. Et pour finir, je rencontre celui qui sera mon futur mari.
DEUXIEME VIE
J’obtiens une mutation au bout de cinq ans et nous partons en couple pour une destination provinciale, loin du bruit et des orages de la région parisienne.
Au terme d’une nouvelle mutation, nous déposons finalement nos bagages en Isère. Je m’inscris alors à l’association VERRE ET LUMIERE sur Voiron où je commence l’apprentissage du vitrail selon la technique du TIFFANY sous l’œil bienveillant de notre animateur.
TROUBLE DU SPECTRE AUTISTIQUE
Entourée de gens d’une gentillesse infinie, comblée par beaucoup d’amour je n’ai cependant pas réussi à me protéger de la fatigue des épreuves quotidiennes et de la dureté de certaines personnes.
Tout s’est arrêté pour moi en 2019, le bout de mon chemin semble atteint. Il est impossible de faire comprendre à qui ne l’a pas vécu combien ce qui nous « tombe dessus » est violent.
Je suis un être de partage que le partage épuise : Le diagnostic de mon handicap non visible a été le premier pas vers un possible avenir, une étape sur un chemin inconnu et effrayant, mais plus authentique sans doute.
J’entame ma reconstruction intérieure que la douce lumière tamisée du verre qui soigne et apaise vient faiblement éclairer. Bien que la route soit confuse, douloureuse et laborieuse, je sens revenir l’équilibre chaque fois que mes verres s’illuminent.
TROISIEME VIE
Forte d’une envie de retrouver le confort et la sécurité, j’effectue en 2020 une tentative de réinsertion dans l’administration qui se solde par un échec douloureux. Accompagnée de mes thérapeutes, je constate obligation de trouver une nouvelle voie : ma troisième vie est irrémédiablement en marche… À 50 ans passés, la chrysalide que je suis doit poursuivre sa reconstruction pour devenir papillon.
Cette troisième vie de créations, je la partage à présent avec vous par le biais de ce site et sous les yeux bienveillants de mes trois anges de lumière, merci à elles.